Les discours des rencontres de l'U2P 2017

Le discours du Président de l'U2P en présence du Premier ministre Edouard Philippe

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Télécharger le discours d'Alain Griset, Président de l'U2P​

Discours du Président de l'U2P

Rencontres de l’U2P, le 26 octobre 2017 au Palais Brongniart

Intervention d’Alain Griset aux Rencontres de l'U2P le 26 octobre 2017 en présence du Premier ministre Édouard Philippe

« Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs, chers collègues,

Monsieur le Premier Ministre, je tiens tout d’abord à vous remercier d’avoir accepté d’intervenir devant les représentants régionaux, départementaux, de métropole et d’Outre-mer de l’U2P et des fédérations professionnelles.

Depuis votre nomination, vous avez indiqué votre volonté de réparer et transformer la France. Ces objectifs nous conviennent totalement. Bienvenue chez nous, il y a beaucoup à faire.

Les responsables politiques ont tous un frère, un cousin, un proche qui a été artisan, commerçant ou professionnel libéral. Par conséquent, ils nous connaissent et ils clament pour nous leur affection et même souvent leur amour. C’est toujours agréable à entendre mais les résultats pour nos 2 300 000 chefs d’entreprise sont loin d’être à la hauteur de cet intérêt constamment affirmé pour nos entreprises sur les territoires. Force est de constater que nos entreprises ont trop souvent été les oubliées des politiques publiques plus orientées vers les très grands groupes.

Il n’est naturellement pas question de vous faire le moindre reproche sur ce qui s’est passé pendant des décennies. D’ailleurs, même si l’histoire est importante, la connaissance du passé fondamentale, ce qui nous intéresse, c’est le présent et l’avenir de nos entreprises.

D’ailleurs, depuis votre arrivée au gouvernement, je le dis ici devant mes collègues, notre Organisation a noté un changement d’attitude mais également de réelles décisions correspondant aux demandes que nous formulions dans les domaines qui ont été traités. Nous le devons en particulier à la méthode et je tiens ici à vous en remercier et à remercier également la Ministre du Travail, Muriel PENICAUD et son cabinet. Nous espérons que cette méthode qui a fait la preuve de son efficacité inspirera toutes les prochaines réformes que vous allez conduire et qui concernent nos entreprises.

Pour ce qui est des ordonnances sur le code du travail, les demandes de notre Organisation ont été en grande partie prises en compte et nous sommes persuadés que si l’activité économique reprend, grâce à ces mesures et la confiance ainsi retrouvée, nos collègues très vite pourront de nouveau embaucher.

Nous avons également été entendus sur la réforme du compte personnel de prévention de la pénibilité devenu compte professionnel de prévention.

Enfin, le pragmatisme l’a emporté sur le dogmatisme.

Nous apprécions à sa juste valeur, les efforts importants faits par le Président de la République et le gouvernement pour que le régime des travailleurs détachés soit profondément modifié au niveau européen et enfin revenir à une concurrence plus loyale que ce que nous connaissons depuis plusieurs années.

Sur la réforme du RSI, l’U2P approuve les orientations que votre gouvernement a présentées dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018. Cette réforme doit, en effet, mettre fin à tous les  dysfonctionnements apparus depuis la mise en place du RSI et de l’ISU. Elle doit également améliorer de manière sensible la qualité du service rendu aux artisans, commerçants et professionnels libéraux. Les missions du RSI seront progressivement prises en charge par les caisses du régime général (URSSAF, CPAM, CARSAT), la nouvelle gestion restera dédiée aux travailleurs indépendants qui seront représentés sur désignation des organisations professionnelles représentatives de ces catégories dans les instances de décision. De même et comme nous le demandions expressément, cette réforme ne conduira pas à alourdir les cotisations des travailleurs indépendants qui sont déjà très élevées.

En outre, le fonds d’action sociale qui vise notamment à soutenir les entreprises en difficulté sera maintenu. Comme il le fait aujourd’hui, ce fonds doit pouvoir prendre en charge les cotisations et la CSG pour les travailleurs indépendants rencontrant de grandes difficultés. Il est de plus indispensable que les travailleurs indépendants bénéficient d’un guichet unique, que ce soit pour le paiement de leurs cotisations comme pour les questions liées à leurs assurances maladie et retraite.

Enfin, pour éviter un nouvel « accident industriel », cette réforme doit se faire progressivement avec des phases de tests et d’expérimentation et nous avons constaté avec satisfaction que vous aviez prévu une période transitoire de deux ans. Mais à ce stade, Monsieur le Premier Ministre, il manque deux mesures essentielles pour la réussite de cette réforme.

La première concerne l’assiette des cotisations sociales. En effet, une grande partie du mécontentement contre le RSI résulte du niveau excessif de leurs charges sociales. Les travailleurs indépendants en nom propre sont les seuls chefs d’entreprise à payer des cotisations sur les bénéfices qui sont réinvestis dans l’entreprise. Il est indispensable que l’assiette des cotisations du travailleur indépendant soit sa rémunération ; autrement dit la part des bénéfices qu’il prélève pour se rémunérer.

La deuxième mesure concerne le comportement des URSSAF que je vais élargir à toutes les administrations. Il n’est pas acceptable que les entreprises qui ont des difficultés se voient encore plus fragilisées par des procédures contraignantes et souvent vexatoires. L’entreprise ne doit plus être considérée comme fautive a priori. En cela, nous rejoignons la volonté du Président de la République d’instaurer un droit à l’erreur. Mais il faut aller plus loin. Nous avons en France des Administrations de grande qualité. Mais nous devons les sortir du triptyque actuel, à savoir « réglementer, contrôler et sanctionner ». Les administrations doivent, au contraire, « simplifier, conseiller et accompagner ».

Or, seule la loi peut conduire à ce changement de comportement. Aussi, dans le cadre  de la réforme du RSI, les URSSAF doivent être tenues de mettre en place un plan d’accompagnement des travailleurs indépendants qui rencontrent des difficultés dans le paiement de leurs cotisations. Autrement dit, elles ne doivent plus engager des procédures contentieuses dès le premier incident de paiement.

Vous avez annoncé à Dijon une augmentation du chiffre d’affaires permettant de bénéficier du régime de la micro-entreprise. Vous avez entendu notre demande très forte que cette augmentation du plafond du chiffre d’affaires n’entraîne pas une augmentation du plafond de la TVA. Nous vous demandons que tous les chefs d’entreprise puissent s’ils le souhaitent, bénéficier de ce régime, mais également pour éviter toute ambiguïté et malentendu que dorénavant on passe de l’appellation micro-entreprise à l’appellation régime simplifié.

Vous avez engagé il y a quelques jours une nouvelle étape en vue de réformer l’apprentissage, la formation professionnelle et l’assurance chômage. Nous considérons que sur ces trois sujets, nos entreprises sont celles qui seront le plus concernées. En effet, en particulier dans nos secteurs, l’apprentissage a toujours fait partie de notre fonctionnement. Cela correspond à nos valeurs, à notre pratique de transmission du savoir, au fait de trouver des salariés qui correspondent à nos besoins et à la création d’entreprise. Permettez-moi de vous rappeler que sur les 1 300 000 entreprises artisanales, la moitié d’entre elles est dirigées par d’anciens apprentis.

Dans ce domaine, ce n’est pas d’une réforme dont nous avons besoin, mais d’une refondation.

Pour réellement développer ce modèle de formation, il est indispensable :

  • de déconnecter la rémunération des jeunes avec leur âge ;
  • de revoir la nature même du contrat ;
  • de donner aux branches la responsabilité des contenus de formation ;
  • de revoir les circuits et l’affectation de la taxe d’apprentissage ;
  • de mettre en place des règles applicables aux jeunes apprentis qui correspondent au fonctionnement des entreprises dans lesquelles ils font leur formation ;
  • de valoriser les maîtres d’apprentissage.

Sur la réforme de  la Formation professionnelle continue, l’U2P considère qu’il faut une véritable simplification des dispositifs afin de les rendre plus lisibles tant pour les entreprises que pour les salariés. De plus, si la formation des chômeurs doit rester une priorité, elle ne doit pas se faire au détriment des salariés. Il ne faut plus « former pour former » mais former les chômeurs pour répondre aux besoins de l’économie. Il n’est plus tolérable au regard de notre niveau de chômage de constater régulièrement que des postes ne sont pas pourvus en particulier dans les secteurs de l’artisanat, du commerce de proximité ou encore dans certaines professions libérales.

Il est également indispensable d’engager un plan massif de formation au numérique pour les chefs d’entreprise et les salariés de l’artisanat, du commerce de proximité et des professions libérales. La formation de nos chefs d’entreprise et de leurs salariés est indispensable pour faire face aux évolutions technologiques de plus en plus rapides et pour répondre aux nouveaux besoins des consommateurs.

Concernant la question de l’extension de l’assurance chômage aux indépendants, vous savez que nous  ne l’avons jamais demandée. Pour l’essentiel, cette idée a émergé depuis le développement des plateformes numériques qui ont recours à des « travailleurs indépendants » qui, en réalité, sont placés en situation de dépendance économique, autrement dit, des personnes qui devraient être requalifiées en salariés. Nous rejetons l’idée de créer un nouveau statut de travailleur économiquement dépendant qui serait une complexité supplémentaire et une source de distorsion de concurrence. Si le gouvernement maintient cette orientation d’élargir l’assurance chômage aux travailleurs indépendants, ceci n’est envisageable que si les conditions d’ouverture des droits sont régies par des critères rigoureux (durée d’activité, conditions de la fin d’activité).

Se pose d’ailleurs la question du financement car tel que le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale est présenté, l’augmentation de la CSG est intégralement affectée à l’assurance maladie. De même, l’ouverture des droits aux salariés démissionnaires doit être strictement encadrée. Dans les deux cas, comme je viens de le dire, il y a des risques d’effets d’aubaine et de dérives. Or, la situation financière déficitaire de l’assurance chômage nous oblige à être particulièrement vigilants.

Pour conclure, Monsieur le Premier Ministre, vous l’aurez compris, nous ne demandons pas de régime de faveur. Par contre, nous vous demandons pour toutes nos entreprises, un environnement fiscal, social et économique adapté. Toutes nos revendications sont fondées sur l’équité de traitement comme nous le faisons sur le travail détaché, la pluriactivité agricole ou encore le régime de la micro-entreprise.

L’U2P n’est d’aucun parti, si ce n’est celui de l’entreprise artisanale, commerciale et libérale. La prise en compte de nos entreprises doit être la règle pour toutes les réformes que votre gouvernement va conduire. Car c’est principalement dans nos catégories d’entreprise que les emplois pourront être créés et c’est à cette condition que la France pourra retrouver le chemin du plein emploi.

Sachez, Monsieur le Premier Ministre, que nous serons toujours à vos côtés lorsque vous prendrez des mesures adaptées à nos entreprises comme vous avez su le faire pour les ordonnances relatives au travail. C’est en vous appuyant sur nos entreprises que la France retrouvera la confiance dont elle a tant besoin.

Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Chers collègues,

Je vous remercie. »

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