Les discours des rencontres de l'U2P 2017

Le discours du ministre de l'Economie et des Finances

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Télécharger le discours de Bruno Lemaire, ministre de l'Economie et des Finances

Discours du ministre de l'Economie et des Finances 

Rencontres de l’U2P, le 25 octobre 2017 au Palais Brongniart​

Monsieur le président, cher Alain GRISET,
Mesdames et messieurs, chers amis,

Dans une journée assez chargée, comme toutes les journées, quand mon chef de cabinet m’a dit « vous n’allez pas pouvoir vous rendre aux Rencontres de l’U2P », je lui ai répondu : « ce qui n’est pas possible, c’est de ne pas y aller ! »

Seul le prononcé fait foi

Voilà des années que nous travaillons ensemble, des années que vous me donnez de bons conseils, des années que je vois à quel point vos activités deviennent de plus en plus importantes pour le lien social, pour l’animation des communes rurales, des centres-bourgs, mais aussi pour la défense d’un certain savoir-vivre, d’un certain art de vivre en France. Il n’était donc pas question pour moi, quelles que soient nos différences de vue sur certains sujets, de ne pas venir dialoguer avec vous.

Et je vous le redis du fond du coeur : je serai toujours là. Nous ne serons pas toujours d’accord. Nous aurons peut-être des échanges un peu musclés, avec Alain GRISET ou Bernard STALTER. Mais ce sera toujours avec beaucoup de respect, celui, profond, que j’ai pour vos métiers.

Lors du débat sur les artisans coiffeurs, j’étais le premier à dire : « Vous ne pouvez pas retirer l’obligation de diplôme pour les artisans coiffeurs. Ce serait dévaloriser le métier et la considération dont jouissent les artisans est essentielle pour la France toute entière. Non, nous n’accepterons pas qu’on puisse devenir artisan coiffeur sans avoir un minimum de diplôme, de compétences. C’est le respect du métier et c’est le respect des Français tout court. »

Ces idées et ces convictions, je ne cesserai de les défendre. Et je le redis : je serai toujours présent pour vous aider à faire face aux défis nouveaux qui s’ouvrent devant nous.

L’un de ces défis, c’est la réduction des finances publiques. Alain GRISET l’a très bien dit, nous le savons tous : chacun doit faire des économies.

Parlons tout de suite des Chambres consulaires. Je ne vous propose pas de fusionner brutalement les CCI et les CMA. J’ai écouté ce que m’ont dit Bernard STALTER, Alain GRISET et un certain nombre d’entre vous. Je crois possible de trouver des solutions qui réduisent les dépenses publiques, tout en préservant l’identité de chacun. Je comprends que vous soyez attachés à votre identité et que vous ne vouliez pas être fondus de force dans un ensemble plus important, qui vous ferait perdre votre spécificité.

Ouvrons donc le dialogue sur cette question. Je suis convaincu que nous trouverons des solutions intelligentes qui préserveront votre spécificité et qui nous permettront en même temps de faire des économies. Car nous sommes tous logés à la même enseigne – Etat, Chambres consulaires, collectivités locales : il faut faire des économies parce qu’on dépense trop d’argent public en France. Et je sais que nous trouverons des solutions car vos représentants sont des personnalités responsables et professionnelles.

Vous devez aussi faire face à une numérisation, une ubérisation de la société qui va très vite. Il faut vous en donner les moyens. Et je tiens à rappeler les décisions que nous avons prises et qui vont améliorer très concrètement votre vie.

Nous avons fait adopter la semaine dernière au Parlement des modifications fiscales sans précédent dans notre pays et qui sont favorables aux entrepreneurs que vous êtes. Ce sont des décisions que nous revendiquons, avec le Président de la République, parce que nous avons besoin des entrepreneurs individuels, que le travail paie, que le risque paie. Nous avons besoin que tous ceux qui consacrent des dizaines et des dizaines d’heures par semaine à travailler, à faire tourner leur boutique, leur commerce, leur activité artisanale puissent se dire à la fin de leur vie : je n’ai pas travaillé pour rien, on ne m’a pas tout pris et j’ai pu en garder la plus grande part. Voilà le sens de notre politique fiscale.

Certains nous ont accusés de faire une politique pour les riches. Je ne laisserai jamais passer cette critique. Nous faisons une politique pour ceux qui travaillent, qui se donnent du mal, qui ne comptent pas leur temps et veulent voir la juste récompense de leurs efforts. C’est bien différent et je crois qu’il était plus que temps de mener cette politique en France.
Ainsi, l’impôt sur les sociétés va passer de 33,3 % à 25 % sur la durée du quinquennat. Il est vrai que cet impôt ne concerne qu’un tiers d’entre vous. Mais enfin ! Vous serez tout de même un tiers à voir votre impôt sur les bénéfices réduit de manière significative en 5 ans. Par ailleurs, je rappelle que nous garderons le taux réduit de 15 % pour les PME qui en bénéficient, et que vous serez les premiers concernés. Je rappelle aussi que nous avons inscrit cette trajectoire dans le projet de loi de finance 2018, pour vous donner toute la visibilité nécessaire jusqu’en 2022.

J’entends parfaitement les remarques d’Alain GRISET sur les entreprises qui ne relèvent pas de l’impôt sur les sociétés mais de l’impôt sur les revenus. Il est vrai que presque deux tiers d’entre vous sont soumis au barème. Faut-il créer un statut par défaut ? Pourquoi pas. Faut-il regarder la question de l’investissement pour les entreprises en nom propre ? Je suis prêt à l’examiner.

Toutes les questions que vient de soulever votre président, je suis prêt à les examiner dans le cadre du projet de loi que nous porterons avec Benjamin GRIVEAUX sur la transformation des entreprises, l’année prochaine. Et je voudrais vous inciter – c’est peut-être le message qui me tient le plus à coeur ce soir – à participer aux travaux préparatoires sur cette loi.

Ce sera probablement l’une des lois les plus importantes de 2018. Son objectif n’est pas de construire une grande cathédrale, mais de régler une à une les difficultés qui empêchent nos entreprises de grandir, de réussir et de créer des emplois. Nous allons donc rentrer dans le détail, avoir des discussions approfondies pour que cette loi soit avant tout une loi efficace et que tous ceux qui entreprennent en France puissent se dire : « Avec cette loi, les choses sont plus simples. Nous allons pouvoir travailler mieux et créer davantage d’emplois pour tous les Français. »

Sur la question fiscale, je rappelle également que nous avons instauré un prélèvement forfaitaire unique de 30 % pour tous les revenus du capital. Cette mesure aura un effet décisif sur le financement de notre économie, car nous allons demander aux banques et aux assureurs de mettre dès cette année à disposition des épargnants français des produits simples, qui leur permettent d’investir dans les entreprises françaises, y compris les plus petites.

Nous avons également supprimé l’ISF, une singularité française qui faisait fuir nos capitaux. Je sais que beaucoup d’entre vous se sont inquiétés de la suppression de l’ISF PME. Mais les conclusions de la Cour des Comptes montrent très clairement que l’ISF PME n’allait pas aux PME qui en avaient le plus besoin.

Il existe par ailleurs un autre dispositif, l’IR PME. Avec Gérald DARMANIN, je suis prêt à examiner le relèvement de son seuil, pour que les Français puissent investir davantage dans les PME en ayant un avantage fiscal sur leur impôt sur le revenu. Je pense que ce serait un instrument puissant pour aider à votre financement, qui est une question absolument décisive.

Toujours sur cette question, j’ai également demandé à la Banque Postale de me formuler des propositions concrètes sur le financement des TPE. Pourquoi ? Parce qu’en homme de terrain, en élu local, en ancien candidat à la primaire qui a fait plus de 500 déplacements en France, j’ai vu trop de TPE – boulanger, artisan coiffeur, charcutier – qui devaient renoncer à certains projets faute de trouver 5.000 ou 6.000 euros pour racheter un four, modifier leur pas de porte, changer leur vitrine ou rendre leur décoration plus avenante.

La BPI, qui fait par ailleurs un travail remarquable, ne considère même pas ce genre d’investissements, estimant qu’ils ne sont pas de son niveau. Les banques, elles, se disent que tout cela est beaucoup trop risqué. La conséquence est que nous avons un vrai problème de financement pour les petits investissements qui sont pourtant cruciaux pour vos activités. Eh bien ! La Banque Postale – qui est le réseau bancaire le mieux implanté auprès des territoires – doit vous apporter la réponse sur tous ces aspects très concrets : la rapidité de la décision, la rapidité du prêt, les questions de découvert, le coût de ces prêts même pour de petits montants.

Nous faisons tout notre possible pour vous simplifier la vie, en étant à votre écoute. Vous avez rappelé, monsieur le président, notre décision de relever le plafond des régimes micro. Nous avions prévu de le porter à 170.000 euros pour les activités d’achat-vente et 70.000 euros pour les prestataires de services – sans toucher aux seuils pour la franchise de TVA. Ce sont vos représentants qui ont obtenu que la franchise de TVA reste inchangée, pour éviter toute concurrence déloyale. Ce n’est pas notre proposition, c’est la vôtre. Elle a été intégrée dans nos décisions législatives. C’est bien la preuve que nos échanges permettent d’obtenir des résultats concrets.
Faut-il aller plus loin et simplifier les régimes, pour mettre fin à certaines confusions ? Pourquoi pas. Je suis favorable à tout ce qui permet de clarifier les situations. Je suis opposé à tout ce qui crée la complexité et de la confusion. Et si cela peut se faire sans coûter un euros au Trésor public, j’y suis encore plus favorable.

La simplification, c’est également lutter contre la prolifération des normes et la sur-transposition des directives européennes. C’est une question qui vous concerne directement car chaque nouvelle norme est une facture pour l’artisan et pour l’indépendant. Une norme, contrairement à ce que l’on dit, ce n’est pas gratuit. C’est peut-être gratuit pour l’administration, mais cela crée de la complexité et la mise en oeuvre des nouvelles normes représente un coût direct sur votre production.

La règle désormais est simple : pour toute nouvelle norme réglementaire, nous supprimerons deux normes existantes. Nous mènerons un travail d’inventaire pour repérer les cas de sur-transposition : partout où la sur-transposition ne se justifie pas, nous ramènerons la norme au niveau des exigences européennes. C’est un énorme travail, mais le jeu en vaut la chandelle.

La simplification sera aussi l’un des thèmes du projet de loi dont je vous ai parlé pour 2018. Société en nom propre, assujettissement à l’impôt sur le revenu : nous pouvons examiner toutes ces questions dans le cadre de ce projet de loi. Et je vous invite, une fois encore, à participer à la consultation qui s’est ouverte cette semaine.

Un mot enfin sur l’adaptation aux mutations économiques actuelles. Inutile de vous faire la liste des révolutions en cours, des transformations que cela implique secteur par secteur : vous les connaissez. Le conflit entre UBER et les taxis n’est que la partie émergée de l’iceberg. Vous êtes tous confrontés à cette révolution digitale. La question n’est pas de s’opposer à cette révolution : elle est là, elle répond aux attentes des consommateurs. Le tout, c’est de vous permettre de vous adapter dans les meilleures conditions possibles à cette transformation numérique.

Cette question de la transition numérique se pose avec une acuité considérable pour toutes les entreprises artisanales et pour toutes les petites entreprises. Je tiens d’ailleurs à saluer le plan d’action que vous avez mis en place pour accompagner les entreprises au sein des CMA. J’ai pour ma part demandé à la BPI de multiplier les actions en faveur de la transformation digitale des TPE et je souhaite que dès l’année prochaine nous fassions encore davantage dans ce sens.

Je rappelle au passage que la transformation digitale n’a de sens que si vous avez tous, sur tous les territoires, accès au très haut débit. Les objectifs sont clairs : le haut débit pour tous en 2020, le très haut débit pour tous en 2022. Et je peux vous dire que nous sommes déjà en train de regarder un certain nombre de solutions innovantes, pour les territoires les plus reculés où la fibre ne serait pas forcément pertinente. Nous ne laisserons personne de côté. Ce qui compte, c’est qu’on ne puisse plus jamais dire que dans tel secteur de tel territoire, on ne peut pas installer une entreprise artisanale faute de très haut débit.

Aucune entreprise artisanale, aucun indépendant, aucun libéral ne peut s’implanter sans très haut débit. Un médecin qui voudrait s’implanter en Corrèze mais qui ne peut pas accéder au très haut débit pour faire de l’imagerie médicale ou de la télémédecine, ne s’installe pas. Un artisan qui fait de la découpe de bois dans les Vosges mais qui ne peut pas livrer ses plans à son client chinois, sera contraint d’en partir. C’est aussi concret que cela. Réussir la transformation numérique, c’est donc d’abord donner accès au très haut débit sur tout le territoire français.

Un tout dernier point dont je voulais vous parler, c’est la question de la formation à vos métiers et de leur valorisation. J’avais indiqué que l’aide à la valorisation des travaux que vous conduisez, le soutien financier apporté aux CMA serait préservé malgré les fortes contraintes budgétaires. J’ai pris cet engagement, je l’ai tenu. Dans la situation de contrainte budgétaire où nous sommes, vous êtes parmi les seuls à bénéficier du maintien de ces aides. Je vous ai défendus vigoureusement, car je considère la défense de vos métiers et la valorisation de vos métiers comme primordiales. On ne peut pas se plaindre d’avoir autant de chômage et surtout autant d’emplois non-pourvus ; et refuser la valorisation de métiers qui mène à des emplois, où il y a de la place pour les jeunes, où il y a de l’activité, où il y a du travail. Tout ce qui permettra de mettre en adéquation l’offre de travail avec la demande aura mon plein et entier soutien, car c’est ainsi que nous mettrons fin au chômage dans notre pays.

Je sais bien que sur le Fonds national de promotion et de communication de l’artisanat (FNPCA), le PLF 2018 supprime la taxe affectée qui l’alimentait. Mais là aussi, j’ai pris un engagement. Et de la même façon que j’ai tenu mon engagement sur le plafond de ressources des CMA, nous tiendrons notre engagement sur la mise en place d’un dispositif alternatif de financement privé. Vous avez indiqué qu’il devait être mis à disposition début de l’année 2018. Nous apporterons une solution au début de l’année 2018.

Voilà les quelques éléments que je voulais partager avec vous.

Laissez-moi vous redire, pour conclure, combien je crois dans l’avenir de vos métiers. Je n’aime pas ceux qui présentent vos métiers, surtout l’artisanat, comme des métiers du passé. Je n’aime pas que l’on oppose une France des nouvelles technologies, des hautes technologies, de l’intelligence artificielle, du digital, du numérique à la France de l’artisanat. Cette vision de la France est absurde, injuste et fausse. Ce n’est pas parce que l’artisanat appartient à la tradition et à la mémoire françaises, qu’il n’est pas l’avenir de la France. Au contraire !

Vous avez mené d’importants efforts de modernisation. Beaucoup d’autres, qui se disent infiniment plus modernes, n’ont pas été capables de se rassembler et de s’unir. Vous, vous l’avez fait, au sein de l’U2P. Vous êtes confrontés à la révolution digitale, vous vous y adaptez. Vous savez que vous avez besoin du numérique, vous en tirez tous les bénéfices. Ce que vous demandez, c’est simplement de la simplicité, de la clarté sur l’avenir fiscal, la reconnaissance de votre talent et de vos métiers.

Eh bien ! Je vous le redis : vous m’aurez toujours à vos côtés pour avancer dans cette voie.

Vous êtes l’avenir de la France et mon rôle de ministre de l’Economie et des Finances, c’est justement de construire avec vous l’avenir du pays et l’avenir des Français.

Je vous remercie.

Seul le prononcé fait foi

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