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Ordonnances travail : un an après…
SYNTHÈSES DES ATELIERS DÉBATS U2P 2018
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Autour de la table pour répondre aux questions :
- Marc LANDRÉ , rédacteur en chef du Figaro, responsable du service EcoFrance
- Patric LIEBUS, Vice-président de l’U2P, en charge des affaires sociales, des relations du travail et de la parité
- Philippe GAERTNER, Président de la commission des affaires sociales, des relations de travail et de la parité de l’U2P
- Raymond SOUBIE, Président du Groupe AEF info, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, directeur du cabinet de RH Taddeo
- Antoine FOUCHER, Directeur de cabinet de la ministre du Travail
- Anthony STREICHER, directeur associé de HA+PME, administrateur de la GSC.
Atelier débat, "Quels leviers de croissance pour les entreprises de proximité?"
« Ordonnances Macron », An 1. Bilan, avancées, perspectives…
Alors même que les refontes additives de l’assurance chômage, de la formation professionnelle et de l’apprentissage n’ont pas encore totalement dessiné leurs contours, les premiers pas de la réforme du code du travail s’accompagnent de questionnements de fond.
Où en est-on aujourd’hui du plan d’action promulgué le 22 septembre 2017 par le Président de la République ? La volonté gouvernementale de moderniser le dialogue social dans les entreprises, de renforcer leur compétitivité et d’encourager les embauches, en diminuant le risque, pour l’employeur, de se trouver lourdement condamné aux prud’hommes en cas de licenciement, a-t-elle trouvé un écho favorable auprès du monde entrepreneurial ?
Sur les cent dix-sept mesures adoptées, certaines ont plus marqué les esprits que d’autres. Accords d’entreprise, plafonnement des indemnités prud’homales, seuil de mise en place des instances représentatives du personnel, conditions de licenciement… sont autant de sujets soumis au verdict du terrain depuis douze mois.
Premiers retours de terrain
« Si je ne devais en retenir que deux, j’évoquerais celles qui ont eu le plus d’effets, à la fois psychologiques et réels, souligne en introduction Antoine FOUCHER. Le premier est le barème limitant les dommages-intérêts aux prud’hommes. Une mesure très difficile à mettre en œuvre, mais qui confère une plus grande lisibilité sur le coût d’un licenciement qui ne se ferait pas dans les règles. Nous sommes certains que ce dispositif sera un encouragement à recruter la main-d’œuvre dont toutes les entreprises ont besoin. »
« La deuxième mesure-phare, poursuit le directeur de cabinet de la ministre du Travail, c’est l’assouplissement du droit du travail et les nouvelles facilités offertes aux entreprises de moins de 20 salariés de négocier en interne, ici sur le temps de travail, là sur les rémunérations, là encore sur les perspectives d’évolution. Les outils pour ces petites structures sont devenus les mêmes que pour les grands groupes du CAC 40. C’est un début. Aux branches professionnelles, désormais, de définir des accords types et de les accompagner aux mieux des intérêts de leurs ressortissants. »
Une « responsabilité de service » qui, dit-il, est difficile et longue à promouvoir. D’où la nécessité, pour les organisations professionnelles et l’U2P, de communiquer très largement sur le rôle essentiel joué à l’avenir par les branches professionnelles et, plus largement, sur le contenu de la réforme. « Nous mettrons tout en œuvre pour doter nos entreprises des outils nécessaires à l’appropriation de ces mesures, confirme Patrick LIEBUS. Il nous appartient effectivement de communiquer, d’informer, d’écrire ou de réécrire certains documents à leur intention. »
« C’est indispensable, rétorque Marc LANDRÉ. Car de telles mesures ne peuvent être correctement appliquées si elles sont méconnues. C’est le job des organisations patronales comme la vôtre de faire avancer les réformes et de faire en sorte que TPE et PME s’en saisissent. »
« Il faut aussi associer à cet effort les collectivités, ajoute Anthony STREICHER. Quand un dirigeant est sur le terrain, le nez dans le guidon, il ne sait pas toujours à quoi et à qui se référer. Les mesures de la réforme seront d’autant mieux appliquées qu’elles seront expliquées en local. »
A ce jour, 364 accords ont été conclus dans des entreprises de moins de 20 personnes après l’organisation d’une consultation directe des salariés, ce qui n’était pas possible avant les ordonnances. Une « goutte d’eau » pour Marc LANDRÉ, « mais un bon début malgré tout ».
Autre interrogation : le dossier sur la fusion des instances représentatives du personnel (Comités d’entreprise, Comités d’hygiène et de sécurité, Délégués du personnel) en Comité Economique et Social a-t-il été correctement traité ? Là-dessus, Raymond SOUBIE se veut nuancé. « Il est traité. En profondeur, c’est une autre question. Selon moi, ce sujet intéresse davantage les grosses entreprises que les TPE et PME. Mais il s’agit d’un outil de facilitation et d’approfondissement du dialogue social, qui répond à un principe élémentaire d’application de règles simples et stables. Plus les règles sont compliquées, moins elles sont comprises et moins elles sont appliquées. »
Une stabilité que Marc LANDRÉ n’a pas toujours notée. « Sur le dossier de l’assurance-chômage, explique-t-il, le projet en cours n’a rien à voir avec l’initial. En quatre mois, sous l’impulsion du président de la République en personne, il a changé quatre fois de forme. Pour qu’elle soit comprise, une réforme doit être stable, et ne pas naître de la volonté d’un seul homme ». « Ne pouvez pas m’affirmer que dans notre action depuis quinze mois, c’est là notre unique point de désaccord, l’exception qui confirme la règle ? », réplique sobrement Antoine FOUCHER.
Un bilan positif
Pour la majorité des syndicats, les ordonnances travail étaient l’assurance de voir notre modèle social « réduit en miettes ». Pour le patronat, elles étaient la promesse d’un avenir meilleur. L’U2P a rapidement salué ces prises de position, reconnaissant que, pour la première fois, la réforme n‘était pas calquée sur les attentes exclusives des grandes entreprises, mais sur celles des plus petites. Depuis un an, le mouvement n’en reste pas moins vigilant sur la qualité de leur mise en œuvre et leur efficacité. L’unanimité fait malgré tout loi autour de l’influence bénéfique que pourra avoir la réforme.
« Il y a un an, a précisé en ouverture Antoine FOUCHER, nous vivions dans un contexte de forte attente du pays et des chefs d’entreprise, sur la nécessaire modernisation du marché du travail. Laquelle était elle-même jugée avec un peu d’injustice comme n’ayant pas été menée depuis des dizaines d’années. Notre volonté était de tenir enfin compte des spécificités des commerces de proximité. Nous voulions une réforme sans casser, ni diviser. C’est, je crois, ce que nous avons fait. »
« C’est la première fois qu’à l’intérieur d’une loi, une vraie réflexion spécifique sur les TPE est menée, abonde Philippe GAERTNER. Prenez le cas du licenciement. Il était jusque-là souvent considéré comme un échec et une source de mauvais climat social au sein de l’entreprise. La réforme va l’encadrer, lui donner des limites et mettre un frein aux appréhensions des dirigeants. »
Pour Anthony STREICHER, « cette réforme est la première du nom qui prend véritablement en compte les problématiques spécifiques aux petites entités ». « Aujourd’hui encore, créer une entreprise, c’est être coupable par principe. Là, on inverse les choses. Le changement de barème prud’homal, la mise en place de règles simples, c’est une formidable avancée. »
En conclusion, Antoine FOUCHER ajoute au positivisme ambiant. « L’importance, c’est d’avoir un regard différent sur la temporalité et être conscient qu’une réforme de cette ampleur a besoin de temps pour se développer. On ne peut qu’observer les premiers signaux. Et ils sont globalement au vert. Pour les ordonnances, il n’est pas excessif de parler d’une tentative de transformation culturelle du rapport au droit du travail. L’ensemble des pays de l’OCDE est confronté aux mêmes mutations technologiques, qui impliquent un rythme accéléré de transformation des entreprises et des métiers. Les états ont le choix d’adapter cet environnement réglementaire au niveau national ou de changer de paradigme : poser le cadre et dire ce n’est plus à l’Etat de tenter d’adapter les règles tous les deux ou trois ans, mais aux entreprises elles-mêmes d’adapter le droit du travail à leurs spécificités. A cet égard, elles seront plus réactives et plus précises que le législateur. »