Quelle protection sociale pour demain ?

SYNTHÈSES DES CONFÉRENCES DÉBATS U2P 2017​

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Intervenants de cette conférence débat :

Conférence débat, "Quelle protection sociale pour demain ?"

Les déficits chroniques des régimes sociaux, l’allongement de l’espérance de vie, l’ubérisation galopante de l’économie, le chômage de masse, sont autant de réalités qui nécessitent de se reposer la question de l’ampleur de la couverture sociale souhaitée par les Français et des prélèvements sociaux que nous sommes prêts à assumer.

Les spécificités des travailleurs indépendants en matière de protection sociale sont-elles justifiées et doivent-elles être maintenues ? Faut-il soutenir ou redouter le projet de l’exécutif d’universaliser certaines prestations telles que l’assurance chômage ?

Le Régime social des indépendants vit ses derniers mois. Quelle organisation lui substituer ?

Cette table ronde visait à répondre à plusieurs questions…

 

La première, c’est celle de l’ampleur de la couverture sociale souhaitée par les Français et des prélèvements sociaux qu’ils sont prêts à assumer.

Deuxième interrogation : les spécificités des travailleurs indépendants en matière de protection sociale sont-elles justifiées et doivent-elles être maintenues ?

Par ailleurs, faut-il soutenir ou redouter le projet d’universaliser certaines prestations comme l’assurance chômage ?

Et enfin, une interrogation fondamentale pour tous les indépendants : quelle organisation substituer au RSI qui vit ses dernières heures ?

En guise d’introduction, Pierre Martin a souligné que « la protection sociale était un axe majeur de la vie sociétale » et qu’il était donc « souhaitaible qu’il y ait quelques évolutions pour s’adapter au contexte ».

 

1. L’état des lieux

 

S’adapter au contexte, mais quel est l’état de santé de notre système de protection sociale, né au sortir de la Seconde Guerre mondiale ? Comment passer d’une économie industrielle de masse, portée par une croissance économique forte, un modèle familial stable et une espérance de vie relativement limitée à de nouveaux risques sociaux, à un allongement de l’espérance de vie, au chômage de masse, à l’ubérisation de l’économie ?

Pour Frédéric Bizard, il existe une triple crise du modèle social à la française. D’abord une crise de l’efficacité, avec un « chômage jamais en dessous de 7% et de longue durée ».  « Notre système a été orienté vers les personnes âgées et les familles nombreuses, la génération des jeunes adultes s’est précarisée, en témoignent les 150 000 jeunes décrocheurs et l’ascenseur social bloqué. »

L’économiste parle aussi de « crise de légitimité ». « Les Français n’ont pas confiance dans le marché et les institutions, moins de 10% font confiance aux politiques. L’étatisme et le corporatisme encouragent la défiance, il y a trop de normes, de freins au dialogue social. »

Enfin, Frédéric Bizard évoque une « crise financière du système »« Notre pays a le plus haut niveau de dépenses sociales, avec 34% du PIB, mais certainement pas les meilleurs résultats. »

Les solutions ? Il en esquisse plusieurs. « Le vieillissement démographique a un impact fort sur l’ensemble de la protection sociale. En 2000, il y avait 20% de + de 60 ans, c’est 26% aujourd’hui. D’où la nécessité d’élargir l’assiette de la protection sociale (CSG). C’est le seul moyen de rendre pérenne le système. »

Au-delà, pour faire face au passage de risques courts à des risques longs (maladies, durée du chômage, disparition de certains métiers), Frédéric Bizard estime que nous ne pourrons pas faire l’économie de quatre réformes.

  • « Réinventer un modèle à partir de notre modèle républicain. Passer d’une protection des statuts à une protection des personnes. Aller vers des droits sociaux universels. »
  • « Autonomie et liberté : donner les clés du camion à l’usager, l’accompagner vers une gestion autonome. »
  • « Que les usagers soient acteurs de la gestion du système. »
  • « Se préoccuper de l’équité intergénérationnelle. »

 

2. A l’issue de ce tour d’horizon franco-français, Lucie Davoine a proposé à l’assistance de prendre un peu de hauteur, en comparant notre système avec celui d’autres pays européens.

 

Pour elle, les débats français ont « déjà eu lieu ailleurs». « Les indépendants et les nouvelles formes d’emploi ne sont pas assez étudiées. Nous avons donc lancé une consultation au niveau de la Commission européenne, dont l’U2P est membre. »

« Trois enjeux sont essentiels : la transparence et la transférabilité, l’acquisition effective des droits et l’accès formel. Les indépendants n’ont pas accès à l’assurance chômage dans 10 pays (Belgique, Bulgarie, Chypre, Allemagne, France, Italie, Lettonie, Lituanie, Malte  et Pays-Bas). L’assurance chômage n’est obligatoire que dans douze et facultative que dans six .»

Pour prolonger son propos, Lucie Davoine a indiqué que de nouvelles initiatives étaient à l’œuvre dans des pays tels que le Danemark ou la Suède. « Là-bas, les personnes qui ont des formes de droit hybrides peuvent être assurées sur l’ensemble de leurs activités. »

Et l’experte de conclure ainsi… « Les enjeux sont complexes, mais je suis optimiste. De nombreuses solutions existent, même s’il n’y a pas de transposition d’un modèle absolu ! »

 

3. A la suite de cette présentation éclairante, nous sommes revenus au cœur du débat, sur le modèle et le niveau de couverture sociale que nous voulons pour notre pays.

 

Philippe Dabat a rappelé le poids d’AG2R dans les secteurs de la retraite, de la prévention et de l’assurance. « Notre caractéristique, c’être d’être le partenaire des branches professionnelles et des indépendants eux-mêmes », indique-t-il. Pour lui, le « modèle de la protection sociale est sous tension, mais pas dépassé ». « Le principe de solidarité, il faut le faire vivre. Il faut revisiter le système. L’une des questions qui se pose, c’est bien évidemment le financement. L’Etat a du mal à l’imaginer. Il faut donc réfléchir à d’autres modes plus proches des individus, à l’échelle régionale, des professions… »

Le directeur général délégué d’AG2R cite « la généralisation de la complémentaire santé » comme un « bon exemple », dans lequel « les branches se sont approprié la réforme, créant plus de proximité avec les salariés ». « En résumé, je pense que les bénéficiaires doivent prendre en main le système. »

Quatrième intervenant dans cette table ronde : François-Xavier Selleret. Le directeur d’Agirc-Arrco estime que « ce que veulent nos concitoyens, c’est un service, un résultat ». « Tout l’enjeu est de montrer qu’un système collectif et obligatoire peut répondre aux problématiques individuelles. Un client à l’Arrco, c’est 70 ans. Quels services concrets lui apporter à chaque âge ? »

« Souvent, les jeunes ont l’impression de cotiser sans retour. D’où la question de la perte de confiance. Un peu comme dans le journal de Tintin, il faut apporter des réponses de 7 à 77 ans. » L’Agirc-Arrco se fait fort de joindre le geste à la parole. La caisse de retraite a ainsi passé une convention avec l’Education nationale pour proposer 1 000 stages de 3e et ainsi « expliquer aux collégiens et donc à leurs parents les enjeux du système de retraite ». « Nous avons par ailleurs mis en ligne un simulateur de retraite pour tous. N’importe qui peut connaître sa situation, faire des choix professionnels… »

S’agissant du financement, François-Xavier Selleret est persuadé que « renforcer les services, c’est renforcer le consentement à l’impôt ». Il donne au passage un « bon point au gouvernement », qui s’est orienté vers l’allègement des charges et la hausse de la CSG.

 

4 – Dernier chapitre de ce passionnant débat, et pas des moindres : la spécificité des indépendants…

 

La fin du RSI est prévue pour 2018, ce système, rappelons-le, a été qualifié d’accident industriel par la Cour des comptes. L’U2P porte des propositions pragmatiques et responsables, rappelées par Pierre Martin : « Nous voulons un régime dédié, des cotisations et prestations spécifiques, un guichet unique, du personnel dédié, le maintien du Fonds d’action sociale, ainsi que la prise en compte de la nécessité d’asseoir les cotisations sur la vraie rémunération du dirigeant et pas sur le bénéfice… », a indiqué le vice-président de l’U2P.

« Il faut que le futur système soit plus performant que le RSI. Ce que nous demandons, c’est d’être associés à la gestion du régime, à coûts constants ! En clair que les contributions ne connaissent pas d’inflation ! »

A écouter Frédéric Bizard, « l’avenir du statut de travailleur est aux indépendants ! » « Apporter une protection individuelle, mais qui reste solidaire, c’est un vrai enjeu. Le plus important, ce n’est pas le financement, mais la gouvernance ! Etat, partenaires sociaux et individus doivent gouverner ensemble. »

 

5 – Le dernier acte de cette table ronde autour de la protection sociale a été marqué par une salve de réactions, dans la salle et sur Twitter. Avec un question centrale : la fusion des régimes de retraite.

 

A cette volonté du gouvernement, Philippe Dabat répond par une autre proposition : « Pourquoi ne pas imaginer cotiser pendant sa vie active pour sa retraite et pendant sa retraite pour financer sa dépendance ? C’est, à mon avis, ainsi qu’il faut réflechir. »

Une agent d’assurance, présente dans la salle, a cependant fait part de son cas personnel. « Je cotise 34 000€ par an et, à 67 ans, j’aurai une retraite de 700€. Mutualiser, c’est très bien, mais sous certaines conditions », a-t-elle indiqué.

La fin du débat s’est polarisée sur la question de la responsabilisation des bénéficiaires… et la nécessité d’éduquer les Français à prendre soin d’eux. Pour Pierre Martin, « on a largement déresponsabilisé les gens dans ce pays ». « Est-ce normal d’aller à la pharmarcie et de ne rien payer ? », interroge-t-il. Avant de reconnaître que « la solidarité a fait ses preuves.» La solidarité, un principe à sanctuariser.

A en croire Frédéric Bizard, « on a raté  l’éducation à la solidarité ». « Maintenant, un système doit parier sur l’intelligence humaine ! Vous pouvez mobiliser les ressources chez tout le monde. »

Philippe Dabat : « Oui, il y a des parcours heurtés, mais il y a aussi une complexité des systèmes. Une solution : réfléchir aux droits liés à la personne, à une protection sociale par étages. »

 

Le mot de la fin est à mettre au crédit de François-Xavier Selleret, fervent partisan d’un modèle de co-gestion. « La gestion paritaire, c’est pas un euro de dettes, mais 64 milliards de réserves ! »

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